Remise des Labels "Égalité filles-garçons"

Lundi 3 avril 2023 - Rectorat de Reims

La proclamation des établissements labellisés a eu lieu cet après-midi.

ÉTABLISSEMENTS LABELLISÉS DANS L'ACADÉMIE

Niveau 1 "Engagement de l'établissement"

  • Collège Les Franchises Langres
  • Collège Louis Bruntz Bourmont
  • Cité éducative de  Chantereigne-Montvilliers (collèges Camus et Brossolette)
  • Lycée Joliot Curie Romilly

Niveau 2 "Approfondissement de la démarche"

  • Collège Salengro Charleville
  • Collège Léo Lagrange Charleville
  • Collège Trois Fontaines Reims
  • Lycée professionnel Gabriel Voisin Troyes
  • Lycée Charles de Gaulle Chaumont
  • Lycée Gustave Eiffel Reims

Niveau 3 "Expertise partagée par l'ensemble de la communauté éducative"

  • Lycée Les Lombards (10) (proposition comité national)

Au cours de cette cérémonie, le discours suivant a été prononcé par le recteur, Olivier Brandouy, il a été rédigé par Benoît Drouot, professeur agrégé d’histoire-géographie.

" Mesdames et Messieurs les inspecteurs,
Mesdames et Messieurs les chefs d’établissement,
Mesdames et Messieurs les professeurs,
Mesdames et Messieurs les membres du Comité académique Égalité filles-garçons,
Mesdames et Messieurs,
Chères étudiantes et chers étudiants,
Chers élèves, 

L’égalité des droits entre les filles et les garçons, entre les femmes et les hommes n’est pas une question marginale. Dans une société et un régime politique comme les nôtres, c’est-à-dire une république au fondement politique démocratique, cette égalité constitue un enjeu majeur, un impératif civique, un défi qu’il nous reste encore à accomplir dans sa plénitude. Car il ne saurait y avoir de démocratie juste, véritable, forte et sûre d’elle-même, sans une représentation équitable et une place active des femmes dans l’espace public, dans les champs du savoir et de la culture, comme dans les sphères politique et économique.

La conquête pour l’émancipation et l’égalité, qui demeure encore inachevée – nous en sommes ici tous conscients –, a une histoire qui court sur plusieurs siècles. S’il fallait avancer une date qui en marquerait l’amorce intellectuelle et théorique en France, ce pourrait être 1622, année de la publication d’un ouvrage au titre explicite : Égalité des hommes et des femmes. Cet opuscule d’avant-garde, on le doit à une traductrice, romancière et éditrice – de la troisième édition en 1595 des Essais de Montaigne, par exemple –, dont seuls, malheureusement, les spécialistes conservent le souvenir. Son nom : Marie Le Jars de Gournay. Au fil d’une œuvre riche et variée, Marie de Gournay plaida sans relâche la cause de ce que son siècle qualifiait injustement de « sexe faible ». Dans l’ouvrage cité, par exemple, Marie de Gournay fustigeait l’injustice du « défaut de bonne éducation » dans lequel les femmes de son temps étaient délibérément maintenues, et qui empêchait qu’elles accédassent aussi « souvent que les hommes aux degrés d’excellence ». Voilà une critique sociale, formulée il y a très exactement quatre cents ans, qui résonne avec une acuité toute particulière en la circonstance et dans le lieu qui nous réunissent aujourd’hui.

Au siècle suivant, que l’Histoire nous a légué comme celui des Lumières, les mondes politique, artistique et intellectuel demeuraient encore tout entier à la main des hommes. Pourtant, quelques femmes, par leur talent, leur détermination, leur hardiesse, et leur impudence à ne pas céder à la gangue des représentations et des pratiques inégalitaires de leur temps, apportèrent un démenti cinglant au préjugé alors le mieux partagé qui rivait la prétendue infériorité intellectuelle et mentale des femmes à des lois de la nature sciemment présentées comme des lois intangibles et sacrées. Parmi ces femmes, qu’il me soit permis d’évoquer la portraitiste Elisabeth Vigée Le Brun, qui nous a laissé des œuvres lumineuses, les salonnières Mesdames Geoffrin, de Lespinasse, du Deffand et de Tencin, la physicienne Emilie du Châtelet, traductrice de Newton, bien sûr la femme de lettres et militante Marie Gouze, dite Olympe de Gouges, rédactrice en septembre 1791 de la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, mais aussi – comment ne pas la citer ? –, la mulâtresse Solitude, combattante en Guadeloupe de la lutte anti-esclavagiste et anticoloniale, sortie de l’oubli en 1972 par l’écrivain André Schwartz-Bart.

Comme l’ont désormais bien établi les historiens, le XIXe siècle fut largement indifférent à la cause des femmes. Pour l’historienne Yannick Ripa, « l’espoir déçu » de la Révolution française fut même suivi d’un « renforcement de la différence ». Le XIXe siècle ne manqua pourtant pas de combattantes courageuses : l’ouvrière Flora Tristan, les journalistes Jeanne Deroin, Marguerite Durand et Caroline Rémy, dite Séverine, les écrivaines George Sand et Maria Deraismes, l’institutrice Louise Michel, la militante du droit de vote des femmes Hubertine Auclert, la première bachelière Julie-Victoire Daubié, la première interne en psychiatrie,  militante du droit à l’avortement et promotrice d’une éducation féministe des filles Madeleine Pelletier, la scientifique Clémence Royer, ou encore les peintres Rosa Bonheur et Berthe Morisot. Et tant d’autres, connues ou anonymes, qui œuvrèrent sans répit pour que l’égalité ne restât pas un privilège des hommes.

Le combat que ces femmes conduisirent, au nom de leur dignité et des droits humains, ne fut toutefois pas vain, mais ses gains différés au XXe siècle. Enfin, les droits des femmes allaient progresser, d’abord lentement, puis dans un mouvement accéléré, passé le mitan du siècle. Il devenait alors inéluctable, ce cheminement vers une société dont la réalité n’avait plus d’autre option que l’ajustement de ses pratiques aux valeurs démocratiques proclamées. Les femmes furent dès lors toujours plus nombreuses et résolues à s’élever pour gagner l’égalité et l’émancipation : la scientifique Marie Curie, deux fois prix Nobel, les aviatrices Hélène Boucher, Léna Bernstein, Adrienne Bolland, Maryse Bastié, les écrivaines et essayistes Simone Weil – la philosophe –, Simone de Beauvoir, Colette, Marguerite Duras, Elisabeth Badinter, les politiques Germaine Poinso-Chapuis, première femme ministre après la Seconde Guerre mondiale, Louise Weiss ou Simone Veil, première présidente du Parlement européen en 1979, la militante de la lutte contre le racisme et première femme noire à étudier à la Sorbonne Paulette Nardal, l’avocate Gisèle Halimi… et toutes celles que le temps compté m’empêche de citer. En s’employant inlassablement à faire progresser les droits des femmes, ces illustres combattantes, chacune à leur manière, ont contribué à l’affermissement et à la consolidation de la démocratie. De sorte qu’aucune sphère de la société – sauf les cénacles religieux, il faut bien le reconnaître – ne peut plus maintenir les femmes en son dehors.

Les hommes, qu’il me soit permis de le souligner, ne furent pas absents de cet interminable combat pour l’égalité. Mais, force est de l’admettre, ils furent longtemps isolés et marginaux, ceux qui embrassèrent la cause de l’autre sexe. L’un des premiers à s’engager avec résolution est, comme Marie de Gournay, malheureusement tombé dans l’oubli. Je veux parler de François Poulain de La Barre. Ce prêtre catholique, converti au protestantisme, vécut au tournant des XVIIe et XVIIIe siècles. Il consacra pas moins de trois ouvrages à plaider « l’égalité des deux sexes » – c’est du reste le titre de l’un d’eux publié anonymement en 1673. En cartésien convaincu, il refusait de rallier les arguments d’autorité et les péroraisons théologiques qui justifiaient discriminations et assujettissement des femmes. Ainsi, soutenait-il, contre l’esprit de son temps : « des raisons » de maintenir cet état d’inégalité entre les hommes et les femmes, « on n’y en voit point ».

Plus d’un siècle plus tard, en 1790, le mathématicien, philosophe et homme politique Condorcet publiait un article intitulé Sur l’admission des femmes au droit de cité. Il y condamnait à son tour l’argument des lois naturelles, aussi spécieux que puissamment enraciné dans les imaginaires collectifs. S’adressant aux hommes, il prévenait : « celui qui vote contre le droit d’un autre, quels que soient sa religion, sa couleur ou son sexe, a dès lors abjuré les siens ».

Quelques décennies plus tard, celui qui se présentait lui-même comme l’« inventeur » d’un nouvel ordre social, Charles Fourier, développa une des pensées les plus avancées du début du XIXe siècle en matière d’égalité des droits entre hommes et femmes. Pourfendeur du mariage indissoluble, il fut un fervent partisan de l’éducation des filles et de la liberté sexuelle. Prenant à contre-pied des siècles de rhétorique antiféministe, il s’éleva contre la sujétion des femmes au nom… des lois de la nature.

Pour le XXe siècle, je ne citerai que Léon Blum, le bien connu président du Conseil du Front populaire en 1936. Attentif aux droits des femmes, et alors que les réticences étaient encore fortes à leur accorder le droit de vote, il osa ce geste d’une portée symbolique et politique éclatante de nommer trois femmes dans son gouvernement : Irène Joliot-Curie à la Recherche scientifique, Suzanne Lacore à la protection de l’Enfance, Cécile Brunschvicg à l’Éducation nationale. Elles n’eurent toutefois que le rang de sous-secrétaires d’Etat, non de ministres.

Comme le rappelle l’historienne Nicole Pellegrin, si « c’est d’abord par la plume » que les droits des femmes « [ont] été défendu[s] avec talent et vigueur », le combat passa aussi par « la création d’organisations, la rédaction de pétitions et de banderoles, la mise en place de tournées de conférences, la tenue d’assemblées et de banquets, par des manifestations de rue, des prises de risques de toutes sortes, etc. ». 

Dans ce mouvement historique profond et de longue durée pour l’égalité des droits, l’Ecole et l’éducation occupent une place ambivalente. Longtemps refusée aux femmes, l’éducation – et non la Nature – fut bien la principale « cause » des inégalités, comme le faisait si justement observer Condorcet en 1790. Privilège des garçons, l’éducation les conforta en effet longtemps dans une position d’assurance et de domination.

Mais, c’est aussi de l’école que vint, à partir de la fin du XIXe siècle, l’émancipation. Lorsque Jules Ferry fait voter la loi du 28 mars 1882 sur l’obligation scolaire, il institue celle-ci égale pour les filles et pour les garçons. Deux ans auparavant, la loi du 21 décembre 1880 avait ouvert l’enseignement secondaire aux filles. Cependant, les mœurs et les préjugés du temps imposèrent la non-mixité, les exercices d’aiguilles pour les filles et les exercices militaires pour les garçons. 

Je ne m’attarderai pas ici sur les inégalités qui persistent entre les hommes et les femmes dans notre pays. Beaucoup reste à faire, nous le savons bien. L’une des plus difficiles des révolutions des XXe et XXIe siècles, celle de l’égalité des droits et de l’égal traitement entre les femmes et les hommes, reste à ce jour en cours de réalisation.

Cette révolution, n’est pas seulement incomplète, elle est aussi fragile, toujours susceptible de remises en cause et de régressions. L’inertie des mentalités, alimentée par les conservatismes religieux et politiques, demeure puissante. Nous aurions tort de baisser la garde en pensant que les combats, même ceux qui sont gagnés, comme le droit à l’avortement ou la mixité scolaire, sont derrière nous.

En œuvrant comme vous le faites, toutes et tous, élèves, étudiants, membres des communautés éducatives de vos établissements respectifs, vous êtes les continuateurs des figures illustres que j’ai précédemment mentionnées. De cela, vous pouvez, vous devez, être fiers.

En cette première année de remise des labels Égalité filles-garçons, je suis heureux que pas moins de onze établissements de notre académie soient identifiés et reconnus parmi ceux qui font de cette cause, non seulement une priorité, mais plus encore une réalité, par l’instauration d’une culture du respect, par la lutte contre toutes les formes de violences sexistes et sexuelles, par la lutte contre les stéréotypes de genre, et en favorisant l’accès pour toutes et tous à une orientation moins genrée.

 Je me fais ici le relais et le porte-parole des membres du Comité académique Égalité filles-garçons, unanimes à souligner la grande qualité de tous les dossiers étudiés, l’implication des équipes de direction, la variété et l’inventivité des actions initiées, la volonté des élèves de s’emparer de ces questions, notamment dans le cadre du CVC et du CVL, ainsi que l’engagement des référentes et référents Égalité filles-garçons devenus des personnes ressources dans leurs établissements. 

 De tout cela, je veux, au nom de l’ensemble des membres du Comité académique, et au nom de l’institution que je représente, vous remercier, toutes et tous, et vous féliciter. Grâce à vous et aux actions qui vous menez, les valeurs de notre République prennent tous les jours davantage sens et réalité."

Qu'est-ce que le label "Égalité filles-garçons" ?

Ce nouveau label vise à rendre visible l'ensemble des actions menées dans les domaines pédagogique et éducatif pour transmettre et faire vivre l'égalité dans les collèges et lycées.

Inspiré de labels existants, notamment le label E3D, le label "Égalité filles-garçons" vise à donner une meilleure lisibilité interne et externe, ainsi qu’une plus grande cohérence, aux actions engagées ou projetées dans l’établissement et visant à l’éducation contre les représentations stéréotypées, à l’accompagnement de parcours de réussite pour les filles et les garçons et de choix d’orientation favorisant la mixité, enfin à la prévention et la lutte contre les violences sexistes et sexuelles. 

Le label « Égalité filles-garçons » a été créé par une circulaire du 10 mars 2022, publiée au BOEN du 17 mars 2022.

Il est issu d’une proposition du rapport intitulé "Faire de l’égalité filles-garçons une nouvelle étape dans la mise en œuvre du lycée du XXIe siècle", remis au ministre en juillet 2021 et établi par le groupe de travail sur l’égalité filles-garçons dans les choix d’enseignement, groupe adossé au comité de suivi de la réforme du baccalauréat et du LEGT.

Annexé à la circulaire, un référentiel national donne des pistes pour envisager tous les aspects d’une politique globale de l’égalité entre les filles et les garçons et définit cinq leviers d’action à considérer de manière articulée :

  • Le pilotage de l’établissement ;
  • La formation des personnels ;
  • La politique éducative et la vie scolaire ;
  • La pédagogie mixte et égalitaire ;
  • Les partenariats et le rayonnement.

Enfin, le label propose 3 niveaux de déclinaison de cette démarche :

  1.  Le niveau 1 reconnaît un engagement de l’établissement scolaire ;
  2. Le niveau 2 marque l’approfondissement de la démarche ;
  3.  Le niveau 3 atteste d’une expertise partagée par l’ensemble de la communauté éducative. 

Les niveaux 1 et 2 sont laissés à l’appréciation des académies alors que le niveau 3 est du ressort national.

Pour en savoir plus :

Consulter la page dédiée sur le site Éduscol

Mise à jour : avril 2023